Auteur·es : Base Commune
Date : Septembre 2020
La ville se nourrit des intentions de ses habitants. Lorsque deux femmes militantes et inspirantes décident de monter un projet visant à améliorer l’accès aux soins, c’est tout un quartier qui est impacté. Le rez-de-chaussée du 391, rue des Pyrénées accueille depuis 2013 La Maison de santé Pyrénées-Belleville, qui accorde une attention particulière aux personnes précaires dans ce quartier politique de la ville. En apparence relativement commun, ce rez-de-chaussée cache derrière ses portes un espace source de lien social et de solidarité pour le quartier.
En 2010, deux médecins généralistes du quartier Piat-Faucheur-Envierges (Paris 20ème), Dr Denantes et Dr Chevillard, inquiètes de voir leurs collègues partir à la retraite sans se faire remplacer, impulsent une étude prospective sur l’accès au soin dans ce secteur. Celle-ci vient confirmer leur intuition : un seul médecin généraliste est déclaré sur le territoire d’ici à 10 ans, contre quinze au moment de l’étude. Désireuses de maintenir une offre de soin de proximité, les deux femmes forment une équipe avec une infirmière Isabelle Gueguen. Ensemble elles se lancent dans la création d’un équipement de santé privé avec une vision sociale : la Maison de santé Pyrénées-Belleville.
Commence alors la recherche d’un lieu pour accueillir ce beau projet. Plusieurs conditions sont posées par l’équipe : un local accessible, au cœur du quartier, détenu par un bailleur. Après plusieurs mois de recherches infructueuses, c’est finalement la coordinatrice du pôle de santé qui repèrera un rez-de-chaussée de 140m2 en travaux dans une cour intérieure de la rue des Pyrénées : d’anciens ateliers d’artistes gérés par le bailleur I3F, prêts à accueillir un nouveau projet. La Maison de santé ouvre ses portes en septembre 2013, un temps record pour une opération de cette envergure.
Cette maison de santé est une structure juridique regroupant une équipe pluridisciplinaire de professionnels assurant des soins de premier recours : médecins mais aussi infirmiers. Les soignants doivent être en secteur 1 (c’est-à-dire pratiquant le tarif de base au remboursement de la caisse d’assurance maladie) et le tiers payant est la règle. Le tout construit autour d’un projet de santé à visée sociale. Autre particularité, une autre association créée par la même équipe, le pôle de santé des envierges, regroupe la Maison de santé, une trentaine de professionnels de santé du territoire et le centre social du quartier.
Aujourd’hui la maison de santé compte cinq médecins, trois infirmiers associés, une collaboratrice et de nombreux remplaçants. Tous ont adhéré au « projet de santé », porté par des valeurs sociales fortes, condition sine qua non pour rejoindre l’équipe. Le désir d’améliorer l’accès au soin pour les personnes précaires se traduit par des durées de consultations plus longues, des créneaux sans rendez-vous (indispensables afin d’améliorer l’accès au soin des plus précaires) et un lien renforcé avec les services sociaux. Une demi-journée par semaine et par médecin est consacrée aux visites à domicile. Enfin, la maison de santé organise bénévolement des ateliers pédagogiques (nutrition, nourrissons…).
L’approche sociale se double d’une vision collective de la pratique, avec une mutualisation poussée au maximum : « La seule chose que nous possédons c’est notre session d’ordinateur » explique Dr. Marie Chevillard. Il n’y a pas de cabinet attribué, et les dossiers des patients sont partagés en télétransmission. La société infirmière, quant à elle, repose sur une tarification alternative qui permet aux soignants de consacrer davantage de temps aux publics précaires.
Victime de son succès, la Maison de Santé a rapidement atteint son effectif maximum : « On s’est engagé à ne refuser aucun patient mais on a déjà largement dépassé nos capacités » explique Dr. Marie Chevillard. Souhaitant conserver sa vocation de proximité, l’association n’a pas de projet d’agrandissement pour l’instant. Mais plusieurs autres projets de maison de santé sont en développement, à Paris ou ailleurs.